Jane Austen, Orgueil et Pr�jug�s, �dit� et traduit par Pierre Goubert, Paris, Gallimard, 2007, 469 p. � sept ans d�intervalle, les �ditions Gallimard publient deux traductions diff�rentes du roman le plus connu de Jane Austen, Orgueil et pr�jug�s. Apr�s celle de Jean-Paul Pichardie, parue en 2000 dans le premier volume de la Pl�iade des �uvres romanesques compl�tes de Jane Austen, sous la direction de Pierre Goubert, en voici une nouvelle en 2007, dans la collection Folio classique, due � Pierre Goubert lui-m�me. Cela n�est gu�re conforme � la tradition de la maison, qui reprend g�n�ralement en format de poche des romans qui ont eu les honneurs de la prestigieuse collection. Quelles que soient les causes de cet �cart, nous n�avons pas � nous plaindre de cette abondance de biens ! D�autant que la traduction nouvelle pr�sente une sobri�t� qui est bien dans l�esprit de la romanci�re anglaise. Pierre Goubert est un des sp�cialistes reconnus de Jane Austen en France, et son �dition met au service du lecteur toute son exp�rience, tout son savoir, pour apporter des �claircissements et des pr�cisions indispensables sur le contexte historique, social, litt�raire. Nous trouvons en lui un guide tr�s s�r et tr�s utile. Sa pr�face substantielle comporte des d�veloppements n�cessaires sur la gen�se du roman, d�abord r�dig� en 1797 sous le titre � Premi�res impressions �, puis r��crit en 1813 sous le titre que nous lui connaissons, ce qui peut expliquer une double fa�on de l�aborder. Elle revient sur l�accusation longtemps port�e contre la romanci�re, qui manquerait d�exp�rience et d�imagination, alors que son objectif essentiel est le respect minutieux de la r�alit� qu�elle conna�t et de la v�rit�. Ses remarques sur l�ironie aust�nienne sont justes et bien inspir�es. Elles pourraient s��tendre � la technique narrative et aux subtilit�s du style indirect libre, o� cette ironie s�exprime aussi. L�ensemble du travail d��dition est de grande valeur, et contribue � recommander ce volume. Deux remarques, n�anmoins, en guise de conclusion. D�une part, Goubert fait assez peu de cas d�un nouveau champ qui int�resse la critique : celui des adaptations des romans � la sc�ne et surtout � l��cran. Elles ont pourtant bien renouvel� la question de la r�ception, et elles sont souvent, pour beaucoup de lecteurs, une premi�re �tape vers la d�couverte de la romanci�re. D�autre part, on ne peut pas lire son d�veloppement sur � Jane Austen et la soci�t� patriarcale �, dans sa pr�face, sans constater son d�saccord profond avec le discours insistant de la critique f�ministe, qui voudrait faire de Jane Austen une r�volutionnaire �branlant les colonnes du temple patriarcal. Certes, il ne faut pas la confondre avec Mary Wollstonecraft. Et Goubert a d�excellentes raisons de pr�senter Jane Austen comme une romanci�re conservatrice. Dans le d�bat de son temps, elle se range clairement du c�t� des d�fenseurs de l�ordre social traditionnel, qu�il s�agit de pr�server pour les g�n�rations futures, et non du c�t� des r�volutionnaires, insensibles aux dangers de la subversion. Mais cela suffit-il � invalider d�finitivement tout le discours de la critique f�ministe sur Jane Austen ? N�y a-t-il aucune synth�se possible entre deux types de lecture ? Continuerait-on de lire ses romans avec autant d�int�r�t s�ils pr�sentaient un discours conservateur univoque ? Derri�re leur apparente simplicit�, ne cachent-ils pas une v�ritable complexit�, s�ils d�noncent aussi des injustices dont les femmes sont victimes ? Alain Jumeau |