Fran�ois-Marie MOURAD, Zola critique litt�raire. Th�se de doctorat, sous la direction de Jacques Noiray, soutenue � l�Universit� de Paris IV le 1er d�cembre 2001 (2 vol., 590 p.).Des figures de Zola que retient la post�rit�, celle du critique litt�raire est l�une des plus m�connues. Elle est en g�n�ral restreinte � une partie de l��uvre, essentiellement les recueils de 1880-1881, Le Roman exp�rimental en t�te, lus � la h�te et syst�matiquement rapport�s aux querelles autour du naturalisme. L�auteur, ses fictions, ses id�es sur l�art et sur la litt�rature, m�ritent que l�on se penche s�rieusement sur un ensemble plus consid�rable de textes, des premi�res contributions critiques de la Correspondance (les lettres � C�zanne et � Baille en particulier) aux r�capitulations des derni�res interviews. Consid�r�e � cette �chelle, reconstitu�e � l�aide d�un index (de 70 pages) � la fois exhaustif et �valuatif de tous les auteurs �voqu�s ou �tudi�s par Zola, l��uvre critique �merge dans toute son ampleur et �tonne par sa vari�t�, sa coh�rence et sa densit�. �tudi�e en elle-m�me et dans son temps, expliqu�e et situ�e, elle incite � r�viser un certain nombre de croyances et de postulats sur l��crivain, sur son inculture suppos�e, sur son pr�tendu dogmatisme et sur l�inf�riorit� de sa pens�e compar�e � la g�nialit� sans contrainte de certains chefs-d��uvre des Rougon-Macquart. La premi�re partie de cette th�se est une �tude de � la vocation critique � de Zola. � la suite des importantes avanc�es d�Henri Mitterand, d�Halina Suwala et de Colette Becker, il fallait rappeler les conditions d��mergence de la facult� critique, qui fondent la biographie intellectuelle et sociale du litt�rateur lanc� � la conqu�te de Paris sous le Second Empire et au d�but de la IIIe R�publique. L��dition et le journalisme sont alors les activit�s les plus propices � l��panouissement de la critique, dans un contexte de � surchauffe � de la production et de la consommation culturelles. La vari�t� des supports et des affectations de la presse, sa tradition litt�raire, en font une �cole d��criture et de r�flexion esth�tique, dont Zola profite en se pliant aux contraintes �nonciatives des rubriques impos�es. C�est l��poque des chroniques bibliographiques des Livres d�aujourd�hui et de demain, des portraits parisiens des Marbres et pl�tres et des vigoureuses prises de position de Mes Haines. Les capacit�s d�adaptation de Zola font de lui, � la fin des ann�es 1860, un critique connu et �cout�, � la personnalit� bien affirm�e. Il emprunte sans h�sitation les voies de la modernit�, fray�es par les ma�tres dont il analyse les id�es et les m�thodes, essentiellement Michelet, Sainte-Beuve et Taine. Il n�en affirme pas moins son originalit� et jette les bases de son scientisme romantique [1] Il accepte l�h�ritage du romantisme, avec ses mots d�ordre de libert� absolue de l�artiste, d�individualisme, son rejet virulent de toutes les r�gles, mais il s�arr�te sur le chemin de l�identification � l�auteur pour conf�rer � la critique une autonomie fond�e sur une d�marche r�gl�e et parascientifique. La deuxi�me partie est une exploration syst�matique du champ litt�raire couvert par la critique zolienne. Cette critique affiche tr�s t�t des tendances synth�tique et panoramique et pense l�histoire litt�raire comme une interaction entre les grands �crivains et les mouvements litt�raires. Les grands cr�ateurs, auxquels Zola s�est int�ress� en priorit�, pour eux-m�mes et comme r�f�rents, ont tous eu le don de r�sumer leur �poque et de la d�passer, en particulier par une puissance d�engendrement directement tourn�e vers l�avenir. Au fil des textes et des analyses, nous voyons se dresser la figure d�un Zola � grand lecteur �, lucide mais intransigeant. Sa critique des auteurs fait alterner la reconnaissance et la contestation, l�hommage et la r�pudiation. Cette attitude peut aller jusqu�� la schizophr�nie avec Hugo et le romantisme. Les anciens sont suffisamment �loign�s dans l�histoire pour que le critique, en bon d�fenseur des classiques, n�ait plus qu�� d�noncer l�emploi sacril�ge en son temps des vertus qu�ils incarnent. Le XVIIIe si�cle, mal connu de Zola, est survol� en ses auteurs, parce qu�il incarne avant tout une id�e et des principes, r�sum�s dans le s�isme de la R�volution fran�aise, dont Zola th�orise les cons�quences litt�raires. � l��pret� et � l�injustice du proc�s en diffamation du romantisme, hormis quelques notables exceptions (en faveur de Musset notamment), r�pondent la g�n�rosit� et la justesse de la campagne en faveur des grands r�alistes du XIXe si�cle : Balzac, Flaubert et les Goncourt. Zola, on l�a souvent remarqu�, facilite et acc�l�re la connaissance de ces auteurs, par la puissance et la clart� de ses analyses. Sa propre d�marche, si l�on y prend garde, s�inscrit harmonieusement dans les espaces que m�nage une critique admirative, mais soucieuse de pr�venir les dangers de l�imitation. La troisi�me partie de la th�se propose un r�examen de la dimension th�orique et exp�rimentale de la critique zolienne : elle revient sur le concept de naturalisme, aborde la question des genres et examine les relations entre la diction critique et la fiction romanesque. L��volution du naturalisme zolien renvoie � l�amplification dramatique d�un concept essentiellement critique, et qui, par cons�quent, a connu toutes les �tapes de � la vie de l�esprit � de son promoteur, du nominalisme m�thodologique inspir� des sciences au totalisme utopique. C�est en identifiant les d�terminations dont t�moigne la mise en texte et en r�introduisant au c�ur du questionnement l�historicit� d�un discours m�tiss� que l�on a quelque chance de le comprendre. Zola est n�anmoins rest� fid�le � ses convictions premi�res et � quelques principes fondateurs, parmi lesquels domine le culte de l�individualit� cr�atrice, seule capable d�assurer la surrection du vrai, de se faire l��cho du r�el et de pr�server la vie dans l�art. La mutation esth�tique qu�il a mise en �uvre, � tous les niveaux, exigeait en outre une r�vision des genres en vigueur, leur � r�affectation � dans le cadre g�n�ral du roman, comme fin souhaitable et prochaine de toutes les vari�t�s discursives et modales. En fin de compte, la r�flexion th�orique, loin d�avoir contraint l��crivain Zola comme on l�affirme � tort, semble plut�t l�avoir constamment aiguill�, servi et soutenu dans son projet, � tel point que cette intelligence lui a permis de devenir � son tour un classique, c�est-�-dire comme l�indiquait Paul Val�ry � propos de Baudelaire, un � �crivain qui porte un critique en soi-m�me et qui l�associe intimement � ses travaux � [1] L�expression est employ�e par Michel Gosme dans sa th�se : Litt�rature et science dans les romans de Zola de 1886 � 1902, Th�se de doctorat dirig�e par Jacques Noiray et soutenue � l�Universit� de Paris IV en 1997. |